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ARMAND GATTI



1924 Naissance de Dante Sauveur Gatti à Monaco. Petite enfance dans le bidonville du « Tonkin », à Beausoleil.

1942 Rejoint le maquis dans la forêt de la Berbeyrolle, en Corrèze.

1943 Arrestation. Condamné à mort. Déportation au camp de Linderman, en Allemagne.

1945 Entre au « Parisien Libéré ». Il signe désormais Armand Gatti. Il travaillera par la suite à Libération, Paris-Match, l’Express, France-soir.

1954 Reçoit le prix Albert Londres pour son reportage « Envoyé spécial dans la cage aux fauves».

1958 Parution du « Poisson noir » (Éditions du Seuil) qui obtiendra le prix Fénéon. Départ en Corée du Nord. Scénario et dialogues pour le film « Moranbong » de Jean-Claude Bonnardot (sortie censurée en France en 1960).

1959 Jean Vilar monte « Le Crapaud buffle » au T.N.P - théâtre Récamier. 1960 Réalisation de son premier film « L’Enclos » primé à Cannes et à Moscou. Sa première pièce de théâtre « Le Quetzal » paraît dans la revue Europe (n°374).

1960-1961 Sa première pièce de théâtre « Le Quetzal » paraît dans la revue Europe (n°374). Réalisation de son premier film « L’Enclos » primé en 1961 à Cannes et à Moscou.

1962 Création de « La Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G » par Jacques Rosner au théâtre de la Cité de Villeurbanne, de « La Seconde existence du camp de Tatenberg » par Gisèle Tavet au théâtre des Célestins à Lyon, et de « Le Voyage du grand Tchou » par Roland Monod au TQM de Marseille. Tournage du film "El Otro Cristobal"

1963 « El Otro Cristobal » deuxième film de Gatti, représente Cuba au Festival de Cannes. Pour la première fois, il met en scène une de ses pièces « Chroniques d’une planète provisoire » à Toulouse, au théâtre Le Capitole.

1964 « Le Poisson noir » Texte et mise en scène d’Armand Gatti au théâtre Sorano à Toulouse.

1966 Mise en scène de « Chant public devant deux chaises électriques » au T.N.P, Palais de Chaillot. Puis, chez Jean Dasté, à Saint-Étienne, création de «Un Homme seul»

1967 Reprise à Toulouse, au Théâtre Daniel Sorano, de Chroniques d’une planète provisoire. Création de La Nuit des rois de Shakespeare par les comédiens du Grenier de Toulouse face aux événements du Sud-Est asiatique : V comme Vietnam, jouée ensuite dans quarante villes sous le titre de «V comme Vietnam»

1968 Création de « Les 13 soleils de la rue Saint-Blaise » dans une mise en scène de Guy Retore et de « La Cigogne » dans une mise en scène de Jean Hurstel. À l’automne, à la demande du gouvernement espagnol, interdiction de « La Passion en violet, jaune et rouge » en cours de répétitions au TNP.

1969 Il quitte la France et s’installe en Allemagne. Il réalise son troisième film, « Ubergang über den Ebro » (Le passage de l’Èbre)

1971 Création de « Rosa collective » à Kassel, dans une mise en scène de Kai Braak.

1972-73 En Belgique, première expérience de « création collective », « La Colonne Durruti » suivie d’une autre, l’année d’après, «L’Arche d’Adelin»

1974 Il revient en France, au Festival d’Avignon où dans le cadre de Théâtre Ouvert, il présente « La Tribu des Carcana en guerre contre quoi ? » À Berlin, au début de cette année, il crée «Quatre schizophrénies à la recherche d’un pays dont l’existence est contestée»

1975 Depuis 1969, tous ses projets de films ont été refusés. Il se tourne donc vers la vidéo et réalise à Montbéliard « Le Lion, sa cage et ses ailes » avec des ouvriers de l’usine Peugeot. Cette série de huit films sera achevée en 1976. La même année, il crée, pour le Festival d’Automne « Le Joint » dans le cadre d’une expérience d’écriture collective intitulée « Le Chat guérillero » Quelques mois avant, à Berlin, au Forum Théâtre, il écrit et met en scène « La Moitié du ciel et nous » « La Passion du Général Franco par les émigrés eux-mêmes » représentation dans les entrepôts Calberson à Paris.

1976 « Le Canard sauvage » nouvelle expérience de création collective, à Saint-Nazaire (septembre 1976 à février 1977) autour de la libération de Vladimir Boukovski.

1977 Lecture et mise en espace du «Cheval qui se suicide par le feu» dans le cadre du 31e Festival d’Avignon.

« La Première lettre » six films vidéo, réalisés avec la population de la région de l’Isle-d’Abeau (Isère), projetés pendant l’été 1979 sur FR3.

1979 Commence à écrire «La Parole errante»

1981-1982 À Derry (Irlande du Nord), il réalise « Nous étions tous des noms d’arbres ». Film tourné pendant la mort des dix grévistes de la faim de l’I.R.A. 1982 De retour d’Irlande, il écrit Le Labyrinthe créé à Gêne en mai, puis dans le cadre du 36ème Festival d’Avignon en juillet au cloître des Carmes.

1983 Ouverture de l’Atelier de création populaire « l’Archéoptéryx » à Toulouse.

1984 « Nous ne sommes pas des personnages historiques » première pièce réalisée avec des jeunes en stage de réinsertion à Toulouse.

1985 Deuxième stage de réinsertion (CRAFI) à Toulouse avec la création de « Dernier maquis » . Représentations à Toulouse et au centre Georges Pompidou à Paris à l’initiative du TILF que dirige Gabriel Garran.

1986 Création mondiale à Montréal de « Opéra avec titre long » au théâtre du Monument National à Montréal. « Les Arches de Noé». Troisième stage CRAFI. Représentation à Montreuil en janvier 1987 à la clôture de l'exposition (voir ci-dessous).

1986-87 En janvier, ouverture, à Montreuil, d’une exposition intitulée « 50 ans de théâtre vus par les 3 chats d’Armand Gatti ». Trente témoins de sa vie et de son œuvre ont été, pendant un mois, les guides de cette exposition. Invitation de l’exposition au 43e Festival d’Avignon en juillet.

1987 Création de « Le Passage des oiseaux dans le ciel », à l’université du Québec, à Montréal (UQM).

1988 « Les Sept possibilités du train 713 en partance d’Auschwitz » création en avril à Rochester, aux États-Unis. Jack Lang lui remet en décembre le grand prix national du théâtre.

1989 Il célèbre le bicentenaire de la révolution à la prison de Fleury-Mérogis, en créant, avec des détenus « Les Combats du jour et de la nuit à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis»

1990 Création à Marseille, du « Cinécadre de l’esplanade Loreto » avec un nouveau groupe de jeunes en stage de réinsertion.

1991 Invité par Alain Crombecque, à l’occasion du 20e anniversaire de la mort de Jean Vilar, il crée à Avignon, au musée lapidaire « Ces Empereurs aux ombrelles trouées » avec un groupe « de jeunes de la banlieue » avignonnaise. Sortie, aux Éditions Verdier, des Œuvres complètes (45 pièces de théâtre, dont une vingtaine inédites, 3 tomes, 4 400 pages.)

1993 Partant du texte « Le Chant d’amour des alphabets d’Auschwitz » il écrit et met en scène, à Marseille avec quatre-vingt jeunes en stage, « Adam Quoi ? » présenté durant deux jours, dans dix lieux de la ville.

1994-95 À Strasbourg, avec quatre-vingt stagiaires, dans les entrepôts de la SNCF, il écrit et met en scène « Kepler, le langage nécessaire » qui devient, le jour de la représentation « Nous avons l’art afin de ne pas mourir de la vérité. F. Nietzsche»

1996-97 « L’Inconnu n°5 » à Sarcelles, avec quarante-cinq stagiaires, présentation du travail en janvier 1997.

1997 Installation de la Maison de l’Arbre à Montreuil sur le lieu où Méliès inventa le cinéma de fiction.

1998 « Premier voyage en langue maya » Première expérience avec vingt-cinq jeunes de la Seine-Saint-Denis, dans le lieu « La Maison de l’Arbre » — un hangar construit sur l’emplacement des studios de Méliès — que lui a attribué le Conseil général de la Seine-Saint-Denis.

1998-99 « Deuxième voyage en langue maya avec surréalistes à bord » créé à Genève, dans les entrepôts Sécheron, suite de l’aventure commencée à Montreuil à laquelle s’est rajouté un groupe de Genevois. « Les Incertitudes de Werner Heisenberg. Feuilles de brouillon pour recueillir les larmes des cathédrales dans la tempête et dire Jean Cavaillès sur une aire de jeu » créé à Genève dans les locaux de la CIP avec vingt-cinq genevois, auxquels se sont rajoutés quelques français.

1999 À l’occasion de la sortie en librairie, le 20 septembre, de « La Parole errante » publiée par les Éditions Verdier (1760 pages), expositions, lectures et rencontres (Seine-Saint-Denis, Île-de-France.)

2000 Écriture de la « Traversée des langages » et lancement du projet d’aménagement de la Maison de l’Arbre.

2001 Pour le début des travaux d’aménagement de la Maison de l’Arbre, « Les Voyages de Don Quichotte » : exposition-réponse à la question « Avec quels mots, avec quelles images inventer un lieu culturel…».

2002 Première lecture de « Didascalie se promenant seule dans un théâtre vide » sur l’invitation du Théâtre universitaire de Besançon.

2003 « Le Couteau d’Évariste Galois avec lequel Dedekind fait exister la droite en mathématiques, ce soir traits d’Hexagrammes à la recherche du livre des mutations » (premier titre : « Éventualité de la géométrie survivante du Colloque d’Erlangen »). Texte écrit et mis en scène par Armand Gatti, assisté d’Emmanuel Deléage, au Théâtre Universitaire de Franche Comté à Besançon, avec la participation du Centre Jacques Petit et de La parole errante. Coordination : Lucile Garbagnati. Travail mené durant les mois de juillet et août avec des étudiants français et étrangers, représentations publiques les 28, 29, 30, août 2003 au gymnase Fontaine Ecu à Besançon.

2006 « Les Oscillations de Pythagore en quête du masque de Dionysos ». Texte écrit et mis en scène par Armand Gatti, assisté d’Emmanuel Deléage à l'hôpital psychiatrique de Ville Évrard. Travail mené en juillet et en août avec des étudiants français et étrangers ; représentations publiques les 27, 28,29 , 30 août.


 « Les Cinq noms de Résistance de Georges Guingouin », poème d’Armand Gatti, lu par l’auteur dans la forêt de la Berbeyrolle (Plateau de Mille Vaches en Corrèze) le 23 septembre, puis tournées en octobre dans les 3 départements du Limousin.

2007 Atelier autour de « La Rose blanche » texte d’Armand Gatti, atelier de Ville Évrard avec le groupe des Diseurs. « Hommage à Armand Gatti » en partenariat avec le Magic Cinéma de Bobigny, en mars, rétrospective des films et vidéos d’Armand Gatti. « Les Arbres » exposition et catalogue conçus pour Saint-Benoît-du-Sault en juillet/août. « La Première lettre » édition des poèmes écrits par Armand Gatti à l’occasion d’un travail réalisé autour de Roger Rouxel, l’un des 27 condamnés du groupe Manoukian. « Le Passage des oiseux dans le ciel » lecture le 10 juin à la Comédie française de l’œuvre qu’Armand Gatti a créée à Montréal en 1987. « De l’autre côté des murs : le vent » soirée poétique autour d’Armand Gatti en octobre à l’église Saint Bernard – Paris 18ème

2008 Dans le cadre de Mai 1968-Mai 2008 : Lectures et mises en scènes de 4 pièces extraites du Petit manuel de guérilla urbaine et Le Joint par Jean-Marc Luneau, Mohamed Melhaa et Eric Salama.
Samedi 14 juin, salle Maria Casarès du Nouveau théâtre de Montreuil. « Comme un papier tue-mouches dans une maison de vacances fermée»
Du 20 novembre 2008 au 8 juillet 2009. Exposition de Stéphane Gatti et de Pierre-Vincent Cresceri, sur mai 68. Une partie de l’exposition est consacrée à l’écriture d’Armand Gatti en 1968 ainsi qu’un catalogue : « Écrire en mai 68 - Armand Gatti».
Vernissage et inauguration le 17 novembre. Première lecture publique de « Révolution culturelle, nous voilà ! », poème d'Armand Gatti par l'auteur.

2009 « Les Arbres de Ville-Evrard lorsqu’ils deviennent passage des cigognes dans le ciel », Poème d’Armand Gatti. Première lecture publique le 22 juin 2009 à l’ EPS de Ville-Evrard. « Comme un papier tue-mouches dans une maison de vacances fermée»
Clôture le 8 juillet 2009 de l'exposition de Stéphane Gatti et de Pierre-Vincent Cresceri, sur mai 68.
Lecture publique de « Un Homme seul », pièce d'Armand Gatti par Pierre Vial, sociétaire de la Comédie Française. « Résidence dans le Limousin : » La Tour de Babel maquisarde.
Du 2 mai au 11 juillet 2009. Lectures, projections, atelier d’écriture. Avec l’association « Refuges des résistances ».
Lecture publique de son nouveau texte, « Mon théâtre ? Un théâtre quantique ? » ( 2ème mouvement de « La Traversée des langages »), le 19 juin 2009 au Centre d'art contemporain à Meymac. « Ce que chantent les arbres de Montreuil - Mort ouvrier » édition des deux poèmes d’Armand Gatti au « Bruit des autres » (juin). « Révolution culturelle, nous voilà !».
Poème d'Armand Gatti. Lecture à la Maison de la poésie à Paris le 7 novembre.

2010 A la Parole errante à la Maison de l’arbre à Montreuil, les 24 et 25 juin, dans le cadre de l'expostion 1954, 1965, 1968, 2006


Amérique latine, miroir de nos engagements dans le temps représentations de La Naissance, mise en scène de Mohamed Melhaa et de Le Quetzal, mise en scène d'Eric Salama.

Du 5 juillet au 25 août 2010. Dans le cadre de la deuxième résidence d'Armand Gatti dans le Limousin, création de Science et Résistance battant des ailes pour donner aux femmes en noir de Tarnac un destin d’oiseau des altitudes.
Texte et mise en scène d’Armand Gatti avec 30 étudiants français et étrangers. Représentations les 23, 24 et 25 aôut à Neuvic (19).

— Armand Gatti org.




ENTRETIEN AVEC ARMAND GATTI

Quatre mille pages, quarante-cinq pièces : l’oeuvre d’Armand Gatti, homme de théâtre et écrivain, est hantée par l’expérience des camps et des maquis (d’abord celui de 40-45 bien sûr, mais aussi ceux du Guatemala, de l’Irlande du Nord et des banlieues d’ici). Hantée par le Verbe aussi, arme de résistance et de révolution. Ses mises en scène ? Jamais dans un théâtre classique, toujours dans des lieux dérangeants, habités, urbains (cités, prisons, usines). Ses spectacles ? Jamais payants, toujours avec banquets d’anarchistes. Jamais répétés, encore moins ressassés, toujours créations uniques. Ils s’étirent sur trois jours et se dispersent parfois même partout, parmi les figures de pierres. Armand Gatti n’est pas seul, bien sûr. Jean-Jacques Hocquart, Gilles Durupt, Hélène Chatelain, Stéphane Gatti, l’accompagnent depuis fort longtemps dans sa guérilla urbaine. Depuis quinze ans, de Toulouse à Marseille, de Fleury-Mérogis à Avignon, ils opèrent dans les villes ensemble. C’est ainsi, qu’à partir d’un lieu dont ils font leur base, ils vont chercher et tirent à eux tous les laissés pour compte avec lesquels ils vont fomenter leurs spectacles.

Après avoir poussé la grille, grimpé l’échelle de bois, me voilà soudain dans la hutte ("Dans la hutte habite l’homme, gardien du langage"), une hutte tapissée de livres avec aussi deux tables recouvertes de pages manuscrites où se tient celui qui a la flamme dans l’oeil. La première chose qu’il fait, c’est de me présenter les chiens de la maison. Il y a Desdémone, la bâtarde qui me lèche les mains, et Tao, le barbet : "Les barbets ce sont les ancêtres de la baleine". Puis il me raconte des histoires terribles, et plus elles sont terribles, plus il dit de ces expériences qu’elles sont "pleines", "exceptionnelles", "fondamentales". Il ouvre les bras, et ses mains (immenses), il les lance et les projette très haut, comme pour se grandir encore, comme pour appeler l’espace.

Une question de langage
Je tourne un peu en rond, parce que je viens de finir quelque chose sur quoi je travaille depuis dix-sept ans. Quatre mille pages. Les oeuvres qui durent longtemps sont dans un sens très éprouvantes, très frustrantes... Pour moi le monde, c’est une question de langage. Comment je m’y situe ? Dans mes meilleurs moments, comme une virgule. J’ai l’impression, dans ce langage, d’avoir une fonction de virgule. Pas une virgule mécanique, non, une virgule en harmonie avec le sens des mots. Mais la plupart du temps, c’est plutôt le point de suspension et un point parmi les autres qui ne sait pas comment finir ni où aller. Je suis écrivain. Mais si j’ai parcouru des aventures d’écrivain, c’est par accident. Fils d’émigré dans un bidonville, et fils d’anarchiste par-dessus le marché, il me restait le verbe. C’était la seule arme de combat que je pouvais avoir.

Les expériences fondamentales
Il y a dans ma vie un lieu que j’ai privilégié : c’est le maquis, le trou dans lequel j’étais pendant la résistance. C’est de là que vient ma sensibilité. Cette expérience a été fondamentale pour moi. Il y en a quelques-unes comme ça : la condamnation à mort, aussi. Etre otage, s’attendre tous les matins à partir... On se met dans un certain état d’esprit pour faire en sorte que s’ils fusillent le corps, quelque chose soit à distance déjà. Je me suis retrouvé aussi en camp de concentration, et finalement, depuis, je n’en suis jamais sorti. D’une façon ou d’une autre, j’y suis toujours. D’ailleurs le fait que j’ai choisi ce type d’expression, le théâtre en rupture, cela vient du camp de concentration. J’y ai eu la révélation de ce que cela pouvait être grâce à des Rabbins incarcérés avec moi qui ont fait une représentation éblouissante.

Les livres
Lorsque je suis allé dans le maquis, j’ai emporté des livres. C’était une folie, une folie... C’était dans le Massif Central, sur le plateau des Mille Vaches... Il y avait des ratissages continuels et lorsque je suis arrivé dans la gare remplie de gendarmes, j’étais tellement folklorique : j’avais une chemise rouge, un noeud lavallière comme ça, les cheveux qui tombaient comme ça, une cape comme ça.... Ils ne m’ont même pas demandé mes papiers. Jamais ils se seraient doutés... Alors j’avais cinq auteurs, et finalement je les retrouve tout le temps. Ces cinq-là, je les emmène tout le temps dans le maquis avec moi. J’avais Michaux. J’avais Rimbaud. Ah, Rimbaud... J’avais Gramsci, l’italien co-fondateur du parti communiste qui déplaçait le fait économique et mettait à la place le fait culturel. Et ça, c’est énorme. J’avais...

Le monde du théâtre
Avoir été dans le monde du théâtre, cela s’est fait par quelqu’un qui arrive vers moi et me dit : "Je m’appelle Vil ar"...C’était tellement inattendu. A la rentrée, il inaugurait le Récamier avec une de mes pièces. Le critique du Figaro a aussitôt demandé mon arrestation et celle de Vilar pour détournement de fonds de l’état... Cela m’a donné le sentiment que je n’avais rien à faire là-dedans. Non seulement Vilar est revenu à la charge, mais Piscator aussi. Mais j’étais dans quelque chose qui n’entrait pas dans mon écriture. Le théâtre, c’est quelque chose d’ankylosé. Il y a la consommation : des gens payent leur place et reçoivent leur ration. C’est bon, c’est mauvais. Ils reviennent, ils reviennent pas. Ca n’a pas varié depuis Louis XIV : le spectacle frontal ; les spectateurs-courtisans ; les thèmes et variations autour de la chambre à coucher et du salon où on papote... Quelquefois un peu d’exotisme, d’onirisme : des accommodements. Non, cela n’a jamais varié. Et donc cela ne pouvait pas être un lieu pour moi où je voyais les combats de l’homme. Alors, je suis parti dans une toute autre formule.

Selon Mao Tsé Toung
J’ai eu trois maîtres. Vilar, Piscator et Mao Tsé Toung avec qui il y a eu toute une amitié. Il a eu cette phrase qui m’a parue révélatrice : "Répondez à la question : Qui s’adresse à qui. Et votre pièce est écrite". C’est ce que je fais. Je fais du théâtre selon Mao Tsé Toung. Evidemment, en Occident, ce n’est pas évident. Mais peu à peu, cela s’est élargi, fatalement, et cela a pris un sens - je ne dirais pas politique parce que pour moi ce mot est plus que suspect - mais de combat, d’insertion, etc... Parce qu’il y avait ceux qui avaient droit à la culture et au langage et ceux qui n’y avaient pas droit. Toutes les tentatives de définition, on les vit en fragments. De temps en temps, on se sent un passeur, un défenseur, un gardien du Verbe...

Révolution
Je me souviens, lorsque j’avais douze ou treize ans, mon père disait "Le grand soir...", "Lorsqu’il y aura le grand soir...", et j’étais consterné. Je me disais : il va y avoir le grand soir et moi je ne l’aurais pas fait. Voilà pourquoi je dis des fois que j’ai commencé à courir derrière la révolution avant même de naître. Et puis les événements ont fait que, sans que j’y sois pour rien, j’y ai été précipité : la Résistance... La condamnation à mort. Le camp de concentration... Ce sont vraiment des expériences pleines. Il y a eu une expérience qui a été formidable, une vraie expérience mystique... Je ne sais pas si je dois le dire... J’ai été parachutiste. Il y a eu surtout un parachutage qui a été terrible et qui a tout changé, sur le Rhin. On a été vendu et lorsqu’on est arrivé, il y avait les mitrailleuses de la DCA qui nous attendaient : cordes coupées, chutes libres, balles... Tatatata Tatatata... On ne pouvait rien faire, on était au bout du parachute. Un carnage. De tout mon groupe, il en restait deux : le caporal et moi. Voilà. La seule chose qui nous restait à faire, c’était d’essayer de traverser le Rhin pour revenir. C’était l’hiver. On devait plonger, plonger, plonger sous l’eau. Et alors, il y a eu ceci de formidable : chaque fois qu’on franchissait un bras, on croyait être de l’autre côté. Mais en réalité, il y a tellement de bras dans le Rhin que chaque fois on se retrouvait au point de départ. Et plus on avançait, plus on se retrouvait sur le point de départ. Et d’un bras à l’autre, comme ça. Et donc ces bras, ces bras, ces bras du fleuve, cela a été une expérience vraiment mystique. Pour moi, c’est devenu le Monde : j’étais en train de réaliser la révolution.

La théorie des Quanta
La théorie des Quanta, vous connaissez ? Non ? Ah, alors voyons ça tout de suite ! C’est la seule qui soit révolutionnaire. La seule révolution qu’on ait faite c’est celle-là, pour l’instant, hein... Cela fait allusion à un monde dont on n’a pas les mots pour pouvoir le suivre. L’élément de base, c’est la particule qu’on ne voit pas et qui est en même temps une o nde...Si on dit que ça c’est ça et qu’en même temps ça c’est ça, il y a quelque chose qui est de l’ordre de la symétrie. J’établis un rapport de symétrie. Toute ma dramaturgie est fondée sur la symétrie. Nous sommes faits et forgés dans un monde déterministe et nous avons un langage déterministe. Or, la théorie des Quanta, c’est celle de la relativité : il n’y a pas une vérité, il y en a plusieurs, de multiples. D’un côté, il y a le déterminisme appliqué à l’infiniment grand et de l’autre côté, il y a l’infiniment petit : le monde du probabilisme. La révolution, elle est dans ce qui a été le plus grand soufflet envoyé aux sciences fondées sur l’observation. La théorie des Quanta s’attaque à ce qu’on ne voit pas et fait la preuve que ce qu’on ne voit pas, ça existe. La tentative de notre pièce, c’est d’essayer de dire ce monde qui est probabiliste et de faire naître un nouveau langage. Le terrible dans les Quanta, et ça on l’a découvert ici, c’est qu’il n’existe qu’en laboratoire et pas dans la nature. Il faut l’admettre : la particule est une onde. On dit que c’est une symétrie mais on n’a pas les arguments. Et alors que j’ai enfin trouvé la révolution, elle est déjà remise en question. Je ne sais pas par quoi : par l’usage même que j’en fais ? Donc, le fait d’être un homme empêchera toujours toute révolution. Mais on en gardera le besoin.

Les pierres
L’écriture commence avec les pierres. Je cherche les pierres qui vont pouvoir avoir un rapport, et toute la pièce naît de là, du dialogue possible entre le personnage et les pierres qui sont là. Ce qui explique qu’une pièce, c’est un lieu et qu’on va dans un lieu, puis dans un autre lieu, de lieu en lieu, de lieu en lieu. Ici, on n’a même pas eu de lieu de répétition. On a été chassé de partout en plein milieu d’expérience... La mairie a envoyé les marteaux piqueurs...Tout s’est brusquement arr êté... Avec la fragilité qu’ils ont, ce sont surtout pas des choses à faire... Alors, les morceaux ne se recollent qu’à peine, qu’à peine : on essaye de faire tout pour, mais... Bon... De toutes les expériences qu’on a pu faire, Strasbourg, c’est la pire, largement. Sans compter les sabotages des organismes qui versent l’allocation chômage aux stagiaires. Sans compter le contexte : il y a eu un moment où c’était la persécution totale pour des histoires si stupides. C’est l’époque où même le chien s’est fait appeler "Basané" ! Il a fallu se séparer des autres animaux. Renvoyés ! Expulsés ! C’était vraiment la persécution. Toujours traqué. L’écriture - Tous les jours, j’essaye d’avancer un peu. A minuit, je m’arrête. Le matin, je passe mon temps à essayer de m’éveiller parce que je fais des insomnies. Et donc voilà. Pour moi, c’est le creuset. Vu de l’extérieur, cela pourrait paraître d’un masochisme total mais je me refuse à écrire quoi que ce soit avant de les avoir vus, eux, les loulous. Mes thèmes sont terriblement abstraits. Toujours. A Marseille, c’était un milieu favorable et on y a fait une pièce de vingt heures. Ici, je ne pense pas que cela fasse vingt heures. C’est quand même un endroit exceptionnel. Je pense qu’on y est tout juste tolérés. Tout juste. Souvent, on a tout le système contre. Ici, ils ont été plutôt discrets. On n’a pas existé pour eux.

Kepler, le langage nécessaire
Là c’est Kepler, les étoiles, les mathématiques, la trigonomét rie...Cela va donner une dimension cosmique parce que nous discutons, et que tout autour les astres continuent à tourner, que tout bouge, que la terre elle-même bouge... Les quatre forces qui régissent l’univers - les forces de la gravitation, de l’électromagnétisme, des interactions nucléaires faibles et fortes - sont les quatre possibles, et tous jouent ça. C’est à partir de là que tout s’articule. Pourquoi "Kepler, le langage nécessaire ?" Parce que baroque. Au lieu de parler le langage scientifique, lui va parler de toutes les erreurs qu’il a faites ..."Ah là là là là"... "Ah qu’est-ce que j’étais un étourneau", et il culpabilise, et il se met à parler de sa femme en train de préparer la salade, et il va faire un petit tour dans les symétries, et il part dans la musique et puis soudain - sous un fatras de mots et de considérations - il fait ses trois lois. Ce n’est pas le langage fondateur, comme Galilée. C’est le langage nécessaire, celui qui brasse l’univers, va dans tous les sens, et introduit cette espèce de vie dans les sciences. C’est un langage de paix, tandis que celui de Galilée, c’est un langage de guerre. C’est comme ça.

Les loulous et les témoins
La parole des loulous est très pauvre. Alors, il faut placer tout le temps la barre très très haut. C’est indispensable. On ne descend pas en dessous d’un certain niveau. C’est le langage le plus travaillé, le plus épuré, qu’on veut. Lorsqu’on a lancé la Parole Errante, c’était une aventure de l’esprit et non l’élaboration d’un produit. Il n’y a jamais de spectacle à la fin. Ici non plus, il n’y aura pas de spectacle. Il y aura un état des lieux de notre travail... Pourquoi ? Ce sont eux, les loulous, qui le demandent : ils ont besoin de se confronter à l’autre. Le public ? Chez nous, il n’y a plus de spectateurs, il y a des témoins qui vont venir avec un dialogue possible et pas comme des juges. Il n’y a pas ce côté infamant de la marchandise : voilà on est marchandise, alors achetez nous ! Marchandises ! Marchandises ! Vous croyez qu’on peut accepter d’être une marchandise ! C’est ça, le système. Chez nous, les rapports sont tout à fait autres. Il n’y a pas de performance de la Prima Donna ; il y a une louloute qui est là et qui se bat avec ce qu’elle a été, ce qu’elle essaye d’acquérir et c’est tout.

Chaque homme est un soleil
Ma position est très simple. Je pars du principe que chaque homme est un soleil. Evidemment, il y différentes formes de soleils... Il y en a certains chez qui cela s’est amenuisé... Mais il reste toujours une lumière, toujours, quel que soit l’homme... Le pire adjoint de la mairie, le pire, on part du principe qu’il a quand même quelque chose là, une petite lumière... Donc, le tout, c’est de trouver le dialogue, de créer le pont des mots pour entrer en contact avec lui... Toutes les expériences, je les commence en disant : "Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu. Voulez-vous être Dieu avec moi pendant un an ?" Un journaliste m’a demandé un jour : "Vous vous prenez pour Dieu ?" Pourtant : "Au commencement était le Verbe" : c’est très clair. Voulez-vous être le Verbe ? Cela signifie : voulez-vous prendre conscience que vous êtes une création, une lumière ? Est-ce que vous en êtes capable ? C’est tout. C’est la seule chose que je demande... Voulez-vous être Dieu avec moi, surtout que c’est dit par un anarchiste, il y a beaucoup de gens que ça fait rigoler. Donc, il y a cette espèce de rencontre avec le Verbe de qui en est dépossédé.

Comment ?
D’abord il faut leur donner le sens. Expliquer, re-expliquer, et surtout, à un moment donné, essayer de mettre en action cette parole qui n’est pas toujours évidente au départ. Comme on fait de la représentation, il n’y a pas simplement une chose écrite. Il y a encore l’humain qui est là, et pas d’échappatoire. Il a fallu chercher une écriture des corps. Il y en a très peu. Les quelques langages qu’il y a sont la plupart du temps dégénérés... On a fait des recherches et finalement on est tombés, et c’est toujours là qu’on tombe, en Chine. C’est très important, la Chine. La base, c’est le vrai Kung Fu. Il y a l’idée du combat entre le serpent et l’oiseau. Le serpent n’a pas de dents pour mordre, ni de pattes pour courir, ni d’ailes pour voler, ni de bec pour piquer... Il est là, il essaye de se battre et finalement il fatigue l’oiseau qui s’en va. C’est un combat qui se gagne par un non-combat. Donc c’est celui-là qu’on a pris comme base de culture.

Exclu
Lorsqu’on me demande ce que cela veut dire un exclu, moi je réponds que mon problème n’est pas social. J’ai la réputation, partout où je vais, de lutter pour le social... Oh, attention ! Attention, hein ! Moi, je suis pas Balladur (à cette époque, c’était Balladur) ! Je suis pas venu gérer la misère du système. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le chômage, c’est le chômeur. C’est l’homme ! Fondamentalement, son existence d’homme et sa plénitude d’homme ! Evidemment, ce sont des gens condamnés par le langage qui ne savent pas renverser le mauvais destin. Et lorsqu’on me dit "exclu", je dis : exclu d e quoi ? Exclu de la vie que suppose le langage, petit, m’as-tu vu, travesti qui a toutes les tares ? Exclu des mots qui cherchent à faire une surenchère ? Exclu du langage qui ne fait qu’un bruit de coquille vide, vide de sens, et dont rien ne sera retenu ?

Et après ?
Que deviennent-ils après ? S’il y a trente individus, il y a trente façons différentes pour que ça se passe. L’un sort premier au Conservatoire de Paris et fait un tabac formidable. C’est sa vérité. Mais il y a l’exemple de cet autre qui a été viré et qui répond à l’un de ces organismes sociaux demandant des comptes : "Moi, j’ai trouvé ma voie. On m’a foutu dehors et toute l’expérience je l’ai faite en étant dehors. Je suis sauvé". Pourquoi je fais tout ça ? Au départ, c’est pour qu’ils prennent conscience de leur Verbe, de leur parole. Les révolutions n’existent qu’à partir du moment où elles sont véhiculées par le langage. Il n’y a que le langage. Et puis je fais ça aussi pour qu’ils soient plus beaux en sortant qu’en entrant. Voilà. Par la parole, on commence à être maître de son destin, on nomme les choses, on les fait exister. Et c’est très simple : lorsque la parole habite l’homme, brusquement il y a autre chose qui se passe. Le regard est changé. Ce n’est plus le même.

L’arbre
Je ne dis pas que c’est l’identification mais en tout cas, c’est l’interlocuteur. Le premier livre que j’ai dédié, j’ai écrit : "A Albert Béguin qui est un arbre". Et lorsqu’il est mort et qu’il y a eu une réédition : "A Albert Béguin qui fut un arbre". C’est mon monde. C’est pour ça que je suis malheureux, mais vraiment malheureux, ici. Même à Paris, j’ai l’arbre devant la fenêtre. Je lui dis tout ! Je lui parle, je suis désespéré avec lui, je suis heureux avec lui. Des fois, il est heureux sans moi, alors je suis fâché... Donc, il est là, toujours là, l’arbre.

Chloé Hunzinger

— La Revue des ressources




LA REVOLUCIÓN DE LAS PALABRAS (entrevista a Armand Gatti)

Fidel Castro le otorgó, allá por los 60, el sobrenombre de “El otro Cristóbal”, como aquel “otro” que conquistó América -el mundo, diría yo-, sin armas, con palabras. No en vano, es un celebrado poeta, dramaturgo y cineasta cuya obra entera podría calificarse como una invocación a la resistencia. El ya octogenario Gatti (Mónaco, 1924) sigue conquistando, y no sólo por su verbo. Acudimos a su encuentro con la excusa de la presentación de su Antología poética (Ed. Demipage) en España y se nos muestra como un bebé con su sonajero. Un sonajero que, por momentos, toma la forma de Historia, su historia; por minutos, se transforma en canciones de viva voz que recupera de sus trabajos fílmicos y, por segundos, en puro juego de seducción hacia la periodista. No hay barreras para su genio.

¿Qué le inspira?
En realidad la inspiración surge de los encuentros personales, de los movimientos, de los desplazamientos… El objetivo final es andar. Pero también me han inspirado la pobreza de mis orígenes -mi madre era empleada del hogar y mi padre barrendero- y la lucha constante por conseguir una vida mejor.

Usted conoció, siendo reportero, a Che Guevara, Fidel Castro y Mao Zedong. ¿Cómo le sirvió a la hora de crear?
Mi obra ha sido mucho más influida por Mao Zedong. Sobre todo, por la relación que creó entre el chino, entendido como lenguaje, y el teatro cuántico, que es a lo que me estoy dedicando últimamente. Mi relación con Mao fue esencialmente poética, es decir, Mao escribía y yo intentaba transmitir eso al público europeo. En cuanto a mi relación con el Che o Castro sólo puedo comentar que fui invitado, a principios de los ‘60, por el incipiente gobierno castrista a rodar allí, como muchos otros artistas afines al régimen que eran invitados a contar la Historia -en realidad, era participar de alguna manera en la promoción del régimen-. Para mí significó rodar una película, El otro Cristóbal, y ganar simbólicamente, a través de una cámara, la guerra que se había perdido años atrás en España. En ella intervino el pueblo, de extras y actores principales, ellos pusieron todos los medios. Fue muy artesanal, un rodaje muy surrealista.

¿Qué impronta le dejó Mao?
Bueno, lo que más me sorprendió de Mao es que para nada era marxista, era un taoísta que tenía una relación con la escritura muy profunda. En aquel momento, el Partido Comunista representaba todo lo que era la clase obrera, tenía una gran relación con la industrialización, las fábricas, la siderurgia…Y Mao tenía una relación con el pueblo a través de la masa agrícola, de los campesinos. Esa era la gran diferencia. La travesía del lenguaje que me transmitía Mao y de la que yo, posteriormente, impregnaba mi obra fue muy imprescindible para trazar mi propio trayecto.

¿Cree que hay lugar para la creatividad, la poesía, como cuestionaba Adorno, tras el drama de haber estado en un campo de concentración? ¿O eso vino después?
Las palabras siempre te hacen tomar conciencia de la realidad. La materia no existe, sólo existe cuando se crea la palabra que la define. Por lo tanto, la palabra lo es todo. ¿Qué hacemos aquí, en este mundo? Pues intentar comprenderlo y eso lo conseguimos a través de las palabras. Si, como preguntaba Adorno, es posible la poesía después de Auschwitz es, sobre todo, porque te has librado de la muerte, no te han quemado como al resto. A partir de ahí, para mí, todo forma parte de una vivencia personal, que es lo que permite que después tomes un camino determinado. Yo lo personalizo todo en Nicole Gompers, mi novia a los 17, a la cual llevaron a un campo de concentración y no volví a ver (“se convirtió en fuego de golpe”). Por ella estuve, más tarde, con los maquis, luchando por recuperarla, aunque fuera de forma simbólica.

De su lucha por una vida mejor, imaginamos que surge “La Parole Errante”.
Bueno, es un lugar donde se va a aprender, un lugar de investigación, de creación. Es una institución creada por mí cuyo objetivo, además de difundir mi obra, es trabajar con los excluidos del lenguaje: los drogadictos, presos, parados y gente sin dinero que queda fuera del sistema a través del colegio, los medios, etc. Sólo a través del lenguaje uno puede dejar de ser víctima, dejar de ser explotado, por eso trabajamos con esta materia y lo plasmamos en diferentes actividades. Una obra de teatro es sólo una de sus múltiples manifestaciones.

¿Aquellos que están fuera del sistema, por obligación o devoción, son los únicos capaces de cambiar el mundo?
No, para nada. Lo que importa, en realidad, es lo que sale de ti, cómo sientes, cómo late tu corazón, cómo oyes. La lucha es a partir de ahí, esa es la toma de conciencia.

¿Por qué una obra suya adquiere una forma determinada (teatro, cine, poema)?
El formato es algo circunstancial. Por ejemplo, una película es cara. Por lo tanto, en este caso, son circunstancias económicas las que influyen. Siempre tendré papel y lápiz para contar lo que quiero contar.

¿Para qué sirve una antología? Mi obra es inmensa y, por lo tanto, sólo se puede representar con una antología que represente parte de mi recorrido. Es la única manera de introducir mi trabajo en España, un país que, para mí, es fuente de inspiración. A partir de ahí, la gente que esté interesada en lo que yo hago puede recuperar otras piezas más concretas.

Inma Flor

— El Duende